L’euro-croissance va-t-il « tuer » l’assurance vie ?

15 nov. 2018
PAR NICOLAS PEYCRU

On en est loin pour le moment. Les contrats euro-croissance ont du chemin à faire avant de pouvoir espérer voler la vedette aux contrats d’assurances vie « classiques ». En 2015, ils ont récolté 773 millions d’euros. Un chiffre qui peut paraître conséquent au premier abord, mais peu impressionnant au regard des 24,6 milliards d’euros collectés l’an passé par les fonds euros et les unités de compte de l’assurance vie.

Reste que la CLCV met en garde les épargnants. L’association de défense des consommateurs s’insurge contre une nouvelle mesure entérinée par un décret paru le 14 juillet 2016 au Journal Officiel. Ce texte autorise « jusqu’à fin 2018 chaque organisme d’assurance à procéder au transfert d’une quote-part des plus-values latentes des fonds « euros » vers les fonds « euro-croissance ». L’objectif consiste à stimuler l’euro-croissance, qui ne connaît pas le succès escompté jusqu’à présent. Mais aussi, dans un contexte de taux bas qui rend les fonds euros des assurances vie moins rentables pour les assureurs, à permettre de façon temporaire, pendant quelques années, une migration des plus-values vers des contrats potentiellement plus rémunérateurs.

Cette possibilité de transfert d’argent n’est pas du goût de la CLCV. « Consultée par les pouvoirs publics sur ce projet, notre association a exprimé son opposition à cette mesure », peut-on lire dans un article publié le 25 juillet sur le site de l’association. L’argument mis en avant ? Ce dispositif remettrait en cause la sanctuarisation des plus plus-values. Les supports en euros des assurances vie garantissent effectivement le capital investi, mais aussi les plus-values obtenues chaque année qui sont définitivement acquises grâce à l’effet cliquet.

La CLCV invite les épargnants à « la plus grande prudence » sur cette nouvelle possibilité de transfert de fonds. « Nous avons aussi écrit aux associations d’épargnants pour souhaiter qu’elles ne remettent pas en cause le « cantonnement » de leurs contrats en euros, dispositif qui permettait de sanctuariser les plus-values sur ces contrats et donc de les garantir aux épargnant qui les avaient souscrits », signale l’association.

La CLCV se méfie en outre des conséquences plus générales que pourraient avoir ce nouveau dispositif sur des placements financiers comme l’assurance vie. « Le transfert de plus-values ainsi autorisé introduit un précédent quant à l’affectation de plus-values attendues sur un type de contrat donné et qui seront assez arbitrairement transférées sur un autre type de contrat ».

Le souci que pointe finalement l’association réside dans le fonctionnement même de l’euro-croissance. Si le fonds euros de l’assurance vie est sécurisé et garantit les sommes placées dessus, il n’en va pas de même pour ce nouveau type de contrat. Instaurés par la loi de finances 2014, les fonds euro-croissance intègrent dans leur composition une part d’actions, l’objectif étant de mieux participer au financement des entreprises, notamment des PME. Ces supports se veulent diversifiés afin d’obtenir de meilleurs rendements que les fonds euros essentiellement investies en obligations, comme des emprunts d’Etat, et dont la rémunération s’érode un peu plus au fil des ans.

Mais, point faible de cette diversification, les actions représentent un support risqué. Et les contrats euro-croissance n’offrent une garantie en capital qu’à l’issue d’une période d’au moins huit ans après leur souscription. C’est pourquoi François Carlier, délégué général de la CLCV, a estimé le 22 juillet au micro de RTL que les Français « un peu joueurs », souhaitant « une épargne dynamique », peuvent se tourner vers l’euro-croissance. Ceux envisageant leur assurance vie comme un moyen sécurisé pour financer leur retraite doivent de leur côté rester prudents, selon lui. Si cet appel à la prudence de la CLCV est entendu par les épargnants, l’assurance vie a de longs jours devant elle avant d’être supplantée par l’euro-croissance.

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