On le sait, le rendement des fonds en euros de l’assurance vie ne cesse de s’éroder d’année en année. Majoritairement investi dans des obligations publiques, cet actif logé dans des contrats mono-support ou dans des contrats multi-supports aux côtés des unités de compte pâtit de la chute continue des taux d’intérêt des emprunts d’Etat. Le programme de rachat de dettes souveraines engagé par la Banque centrale européenne (BCE) pour soutenir l’économie alimente cette tendance baissière.
Et ce n’est pas le « Brexit » qui va arranger les choses. Compte tenu des incertitudes liées à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les investisseurs se ruent sur les obligations des pays jugés « sûrs », comme les Etats-Unis, la Suisse, le Japon, l’Allemagne et… la France. Du coup, les obligations assimilables au Trésor (OAT) sur 10 ans, qui servent de maître étalon au rendement des fonds en euros français, ont basculé en territoire négatif sur le second marché (celui de la revente).
Bref, la rémunération du « placement préféré des Français », qui constitue 80% de l’encours de l’assurance vie, est vouée à décliner. Ce qui est plus nouveau, c’est que cette baisse est plus rapide que ce que l’on pensait. Dans son analyse annuelle des taux de revalorisation publiée le 11 juillet 2016, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le gendarme des banques et des assurances, annonce un rendement moyen (net de frais de gestion et brut d’impôt et de prélèvements sociaux) des fonds euros de 2,27% pour 2015.
Or, la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), qui représente la quasi-totalité des assureurs vie tricolores, avait évoqué dans sa conférence annuelle de janvier un taux de 2,30%. Certes, la différence est seulement de 0,03 point. Par ailleurs, la FFSA insiste chaque année sur le fait que le taux annoncé n’est pas consolidé, certains assureurs communiquant leur rendement en mars, voire en avril. Il n’empêche, en cette période de faible rémunération des placements, chaque point en moins a son importance.
Surtout, la glissade est plus conséquente qu’attendu. Car le phénomène inverse s’est passé l’an dernier. Alors que la FFSA avait prédit un taux de 2,50%, il est finalement ressorti à 2,54% d’après l’ACPR. Le rendement n’a donc pas baissé entre 2014 et 2015 de 0,20 point (de 2,50% à 2,30%), mais de 0,27 point (de 2,54% à 2,27%). Soit un écart de 0,07 point. En d’autres termes, les épargnants sont encore plus perdants.
Dans ces conditions, on pourrait se dire que l’ACPR est satisfaite. Le régulateur, comme son autorité de tutelle, la Banque de France, appelle depuis des mois les assureurs à réduire la rémunération de leurs fonds en euros. L’Autorité craint qu’en cas de remontée des taux d’intérêt, les assurés ne rachètent, comme un seul homme, leur contrat pour en ouvrir un nouveau plus rémunérateur. Ces retraits massifs pourraient vider les caisses des assureurs et mettre en cause la survie même de certains. D’où l’importance de pousser progressivement les Français à fermer leur fonds euros ou du moins à ne plus les alimenter en pratiquant des rendements peu élevés.
Pour l’ACPR, le mouvement opéré l’année dernière n’est pas suffisant. L’écart entre le taux de l’OAT et celui des fonds euros va croissant. Si la différence était de seulement 0,27 point en 2012, elle a culminé à 1,42 point en 2015. Les assureurs « gonflent » leur rendement en allant puiser dans leurs réserves financières. Cette manœuvre leur permet de rester compétitifs dans un marché hautement concurrentiel. Reste que leur matelas n’est pas inépuisable et la stratégie va bientôt atteindre ses limites. C’est du moins ce qu’espère l’ACPR.
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