Réforme du Livret A : bonne ou mauvaise nouvelle pour l’épargnant ?

19 nov. 2018
PAR NICOLAS PEYCRU

Le gouvernement a fini par toucher au sacro-saint Livret A. Le 9 novembre 2016, le ministre de l’Economie et des Finances Michel Sapin a présenté une réforme du livret d’épargne chouchou des Français. À moins de six mois de l’élection présidentielle, il fallait oser ! C’est que les conditions actuelles l’imposent selon l’exécutif. Comme Michel Sapin l’a expliqué, la formule de calcul de la rémunération du Livret A n’est plus tenable en l’état.

Depuis juillet 2004, le taux du livret vedette entièrement défiscalisé est calculé selon deux règles. La première est basée sur la moyenne des taux interbancaires (les taux d’intérêt auxquels les banques se prêtent entre elles) à court terme (Eonia) et à moyen terme (Euribor 3 mois) par rapport à la moyenne de l’évolution des prix à la consommation hors tabac. La seconde équivaut à l’inflation majorée de 0,25 point de pourcentage. La règle la plus avantageuse est retenue. Or, compte tenu de la politique ultra-accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), les taux interbancaires sont devenus nuls, voire négatifs. Du coup, même si la hausse des prix est raplapla, c’est la seconde règle qui s’applique.

Problème : même faible et en dépit d’une inflation proche de 0%, la majoration de 0,25 point accroît l’écart existant entre les taux interbancaires et le taux du Livret A. A tel point qu’un « décrochage » s’opère entre les deux taux. Ce « gap » est d’autant plus préoccupant que la BCE ne semble pas prête de remonter ces taux directeurs de sitôt. De quoi inquiéter la direction du Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), chargé de gérer le Livret A. Au rythme actuel, le Fonds de la CDC risque de tomber dans le rouge, ce qui ne serait pas bon pour le déficit public français.

Le décalage entre taux monétaire et taux du Livret A ne fait pas non plus l’affaire des professionnels de l’habitat social. Les offices HLM empruntent à un taux indexé à 90% sur celui du livret d’épargne réglementée. C’est dire si son (relatif) haut niveau les pénalise. Si la situation perdure, le surcoût des charges de prêt s’élèverait à 480 millions d’euros par an pour le secteur du logement social, a calculé Bercy.

Au vu de ces constats, les pouvoirs publics ont estimé qu’il devenait urgent d’agir. Deux nouveautés sont introduites dans les règles de calcul. Tout d’abord, la moyenne des taux interbancaires et d’inflation prise en compte n’est plus celle du mois d’avant les deux revalorisations du Livret A qui interviennent le 1er février et le 1er août, mais celle enregistrée sur les six mois précédents. Cette formule vise à « lisser » les effets de hausse et de baisse et éviter ainsi les « à-coups ».

Surtout, la majoration de 0,25 point est temporairement suspendue si l’écart entre l’inflation et les taux interbancaires dépasse 0,25%. La décorrélation entre les deux taux est ainsi contenue. Du moins à compter du 1er août 2017. Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a d’ores et déjà averti que la rémunération du Livret A resterait inchangée à 0,75% au 1erfévrier prochain.

L’annonce est d’autant plus étonnante que le même gouverneur avait milité, en vain, pour un taux à 0,50% au 1er août pour prendre en compte la faible hausse des prix. Le gouvernement lui avait tordu le bras au nom du maintien de l’attractivité du livret adoré des Français. Cette fois-ci, le scrutin présidentiel ne doit pas être étranger au statut quo. Car si la formule du Livret A a quelque peu évolué, le pouvoir « discrétionnaire » du ministère des Finances est maintenu. En d’autres termes, le gouvernement continue de fixer in fine le taux d’intérêt du livret réglementé. Une fois les échéances électorales passées, pas sûr que ce mode de calcul soit bénéfique pour les épargnants…

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