L’expatriation fiscale

21 sept. 2017
PAR NICOLAS PEYCRU

La fiscalité française est souvent décriée pour sa lourdeur, sa complexité et son incohérence. Les créations de diverses taxes ou d’impôts ont poussé de nombreux français à plier bagage et à quitter le pays. Est-ce pour autant la meilleure pratique pour défiscaliser ?

En effet, malgré le fort taux de prélèvements, ils existent de nombreux dispositifs qui permettent de soulager localement cette pression fiscale. L’expatriation n’a donc jamais été la seule option pour défiscaliser. De plus elle n’est pas dépourvue de risques. Coup d’œil donc sur la fiscalité française et des principaux aspects en matière d’imposition à considérer avant une expatriation.

Expatriation fiscale et les tendances françaises

L’évasion fiscale (à ne pas confondre avec la fraude fiscale) désigne l’ensemble des moyens utilisés par des assujettis afin de diminuer ou supprimer l’imposition de leur patrimoine ou de leur bénéfice à un ensemble de taxes ou d’impôts. En règle générale, il s’agit de se soustraire à une charge fiscale. L’expatriation fiscale quant à elle, est une forme d’évasion fiscale où l’assujetti (individu ou entreprise) décide de changer légalement de résidence fiscale afin de se positionner dans une situation fiscale plus avantageuse. En général, on suppose que les personnes concernées trouvent que l’effet aubaine que génère l’expatriation arrive à neutraliser les désavantages financiers qu'implique un déménagement à l'étranger, notamment le coût de la vie et les dépenses d'hébergement, de scolarité, etc. Il s’agit bien souvent de cas de personnes ayant des ressources  importantes et susceptibles d’être fortement imposées. Elles réalisent en conséquence qu’elles sont en situation défavorable par rapport au pays d’émigration envisagé. Les profils d’expatriés varient. Il peut s’agir d’entrepreneurs, d’actionnaires, de sportifs de haut niveau ou même d’artistes (acteurs, chanteurs, etc.).  On peut également inclure certains salariés, les créateurs d’entreprises et enfin les retraités aisés.

Selon un rapport rendu à l'Assemblée nationale en 2015, le nombre d’exilés fiscaux français tournait autour de 35 000. Le cabinet Bradley Hackford fit notamment la publication d’une étude listant cinq pays européens dans le top dix destinations durant la même année. Ces pays sont notamment le Royaume-Uni, Monaco, Andorre, Malte et Gibraltar. Les Français formeraient justement une partie importante de leurs clients depuis quelques années. Les raisons d’une telle tendance varient. Mais elles sont pour la plupart une conjonction entre la fiscalité française, jugée trop agressive et l’action délibérée de nombreux pays à pratiquer une politique active pour attirer des expatriés fiscaux. Avec un coût de la vie de 3 à 4 fois inférieur à celui de la France, l’absence d’impôts locaux et une cotisation volontaire très modeste pour avoir droit au remboursement des frais de santé, la Thaïlande par exemple mise en partie sur le produit de cotisations des français retraités pour continuer sa croissance !

Les aspects fiscaux à considérer

Cependant comme souligné auparavant, l’expatriation fiscale n’est pas sans risques. Quand il est question d’opportunités financières, on doit prendre en compte divers facteurs tels que notre patrimoine actuel, les caractéristiques de ce dernier, la source de nos revenus et surtout les réglementations du pays d’accueil. Il peut s’avérer qu’une offre paraissant initialement favorable menace directement le niveau des revenus dû à des charges ou d’impôts spécifiques qu’on a négligé. La France a des conventions fiscales avec un grand nombre de pays à travers le monde. Il s’agit d’accords sur l’impôt sur le revenu, incluant salaire, dividende, pensions, revenus fonciers, successions et donations, etc. Il est important de bien étudier ces conventions et en connaître les termes pour savoir si l’opération va être profitable ou pas. 

Le premier point à vérifier par exemple demeure le changement d’imposition sur le salaire. Il n’est pas immédiat et répond à des critères précis. Il faut tout d’abord avoir le statut de non-résident fiscal français. Les revenus gagnés en France avant l’expatriation seront soumis à l’impôt en France. Pour la rémunération liée au travail à l’étranger suite à l’expatriation : dans la plupart des cas on est soumis à la fiscalité du pays d’accueil. Certaines grandes entreprises françaises ont mis en place un système de lissage permettant à leurs salariés de payer un impôt sur le revenu équivalent, mais jamais supérieur donc, à celui du système français, quel que soit le pays où ils sont employés. Une recherche sur les différentes conventions devient donc nécessaire.

Pour ceux qui possèdent des biens immobiliers en France, les revenus éventuels sont en général soumis en France à une taxation minimale de 20 %, auxquels s’additionnent des prélèvements sociaux de 15,5 % (réintroduits par la dernière loi de financement de la Sécurité sociale). Là encore, tout dépendra de la situation du pays d’accueil. En Belgique, un expatrié se retrouve en situation avantageuse, étant donné que le pays n’impose pas les revenus immobiliers en sus des impôts payés en France. Aux Etats-Unis cependant, on risque de subir un complément d’imposition. En outre, les plus-values des cessions peuvent être lourdement taxées. Les revenus de capitaux mobiliers français des non-résidents ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux. En revanche, ils subissent un prélèvement forfaitaire à la source, dont le taux peut atteindre 21 % ou 30 %, sous réserve des conventions bilatérales. Il est donc conseillé de prévenir sa banque de son départ à l’étranger car si les plus-values ne sont pas généralement imposées en France, elles peuvent l’être dans le pays d’accueil.

Par rapport sur son assujettissement à l’impôt sur la fortune (ISF), seuls les biens immobiliers détenus sur le territoire français seront encore imposables. Les valeurs mobilières seront épargnées. L’expatriation peut donc permettre un rééquilibrage intéressant. En l’état des débats, les modifications apportées en la matière par le nouvel impôt (l’IFI proposer par le nouveau gouvernement et destiné à remplacer l’ISF) ne devraient pas changer fondamentalement cet avantage.

L’exit tax est finalement le dernier élément important à considérer concernant l’expatriation. Mis en place en 2011, cet impôt s’applique lors du transfert du domicile fiscal à l’étranger sur les plus-values latentes de droits sociaux, titres ou valeurs, et qui représentent plus de 50 % du capital d’une société ou plus de 800 000 euros. En pratique, les salariés concernés la paient très rarement. Il n’engage que les autres titres détenus en direct et ne concernent pas les contrats d’assurance-vie.

D’autres solutions à envisager pour défiscaliser ?

Il est évident qu’il existe de nombreux dispositifs qui aident à voir la fiscalité française plus favorablement. Entre le PERP, le dispositif Pinel, la rénovation dans l’immobilier ancien, les Fonds d’investissement de Proximité (FIP), voire l’investissement dans le vin ou l’art, il y a en effet diverses formes de placements qui permettent de ménager cette pression fiscale.

Côté entreprise, le gouvernement assure également la mise en place de mesures spéciales pour que les startups ne se fassent pas écrasées par l’impôt ou pour permettre aux assujettis à l’ISF d’entrer au capital d’entreprises à fort potentiel.

Au final, l’expatriation est une option comme une autre pour atteindre un même but : payer moins d’impôts ! Les exemples sont nombreux d’exilés fiscaux qui reviennent en France. Changer de cadre uniquement pour échapper au fisc français peut très vite se révéler être un choix difficile. Car au-delà des bénéfices financiers, il est aussi question de bouleversements importants dans notre mode de vie social et familial. Pour la raison simple que vivre à l’étranger au moins six mois par an est d’abord un choix de vie, lié à une vision, un projet qu’on doit partager le cas échéant avec ses enfants, son conjoint, etc. La réalité du pays d’accueil est à prendre en compte et on ne la découvre bien souvent qu’en effectuant plusieurs séjours sur place. D’autant que les dispositifs pour défiscaliser existent sans nécessairement expatriation. Cela dit, l’expatriation peut aussi être profitable financièrement, professionnellement, tout comme en termes de cadre et de parcours de vie. Et ce d’autant plus si votre projet est solide et mûrement réfléchi !

 

 

 

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