Investir dans une tontine, malin ?

16 nov. 2018
PAR NICOLAS PEYCRU

Voici un des plus vieux placements de France, la tontine. C’est un outil très efficace de gestion de son patrimoine, il demeure pourtant méconnu du grand public. Les investissements regroupant autant d’avantages sont rares : rendement attractif, frais réduits, sortie de l’ISF… Voilà déjà des éléments de réponse à la question : investir dans une tontine, malin? 

Qu’est-ce que la tontine ?

Bien, je m’efforcerai ici d’être le plus clair possible mais vous allez le voir, le fonctionnement de la tontine est relativement complexe !

Il existe 3 types de tontines, financières, immobilières et associatives. Ici, je ne parlerai que de la tontine financière qui est la plus répandue et qui ressemble le plus à un placement. Les deux autres sont des montages patrimoniaux ou une nouvelle forme de financement ressemblant au micro-crédit.

  • Histoire de la tontine

Eh oui, minute culturelle avant d’entrer dans le vif du sujet ! Le mot « tontine » vient du nom du créateur de son concept Lorenzo Tonti, banquier italien du XVIIè siècle.  Ce cher monsieur inventa un système d’épargne collective pour le compte du roi. L’idée était que les épargnants mettent en commun une somme qui serait versée au gouvernement puis remboursée avec intérêts à la clôture de la tontine aux différents adhérents sous forme de rente viagère. Refusée sur le coup par Mazarin, le système est finalement utilisé en 1689 pour payer la guerre contre Guillaume III et la Ligue d’Augsbourg. (Voici une date historique à ressortir en dîner mondain qui fera bien plus d’effet que le traditionnel « 1515-Marignan », je compte sur vous !).

Réussite mitigée pour l’État, le système met du temps à faire ses preuves. En effet, la tontine est jugée trop onéreuse par l’État, les souscripteurs survivant trop longtemps ! Elle est finalement interdite dans certains pays. Puisque la rente viagère est divisée entre le nombre de souscripteurs à la clôture : certains participants s’efforçaient donc de faire diminuer « prématurément » le nombre de participants. Une histoire bien sanglante somme toute, mais pour un placement efficace et désormais un peu plus en vogue. Je vous rassure, les faux pas des débuts ont été évités depuis, et le système « assaini ». Depuis, la tontine dispose d’un véritable statut juridique.

  • Son fonctionnement actuel

L’acteur le plus connu dans le secteur de la tontine est Le Conservateur. Acteur historique puisqu’en France, la société est la première à ouvrir ce genre de placements. Ils disposent actuellement de plus de 140 000 adhérents, soit 75% du marché global environ.

À l’ouverture d’une tontine, la société proposant cette tontine regroupe au minimum 200 adhérents qui versent chacun une somme dans « le pot commun ». Chaque 1er janvier s’ouvre une nouvelle association qui prend en général fin 20 ans plus tard. Il est néanmoins possible d’entrer en cours de route si l’horizon de placement est trop important. Moyennant un rendement plus faible toutefois.

Entre temps, cet argent placé, mutualisé, est investi par la société de gestion. Le fait que l’argent soit bloqué donne beaucoup de flexibilité à la société qui investit. Elle le fait alors principalement dans des actions, et non plus dans la dette de l’État comme à l’origine. On retrouve ici les concepts de l’eurocroissance: une épargne bloquée durant un certain nombre d’années afin de permettre aux sociétés de gestion de chercher plus de performance. La société revend progressivement ses actifs plus risqués vers la fin de la tontine afin de la convertir vers des actifs sécurisés comme des fonds en euros.

20 ans plus tard, la tontine est dissoute, et la société dispose alors de 6 mois pour revendre tous les actifs acquis. Les souscripteurs vivants récupèrent alors leur capital de départ (si la tontine a réalisé une plus-value) et se partagent les gains accumulés sous la forme en général d’une rente viagère. Le montant de cette rente est calculé selon la table de mortalité d’entrée de la tontine. Ainsi, si au sortir de la tontine vous êtes encore jeune, vous toucherez une rente relativement faible, si vous êtes âgé, une rente élevée. On le voit, il peut être peu pertinent ainsi d’entrer dans une tontine à 30 ans puisque la rente acquise à 50 ans sera faible. Il est possible d’investir jusqu’à ses 70 ans. La sortie peut aussi se faire en capital.

Quels sont les inconvénients de ce placement?

  • La tontine n’est pas un placement anodin, la principale raison étant que les fonds sont bloqués. Il faut donc être certain avant d’investir que l’on pourra se passer de cette épargne sur le long terme. Il est néanmoins possible de récupérer sa mise (sans les intérêts) en cas d’accident de la vie prévu dans le contrat (invalidité, décès du conjoint…).
  • Le rendement dépend des investissements effectués par la société de gestion sur lesquels vous n’avez pas la main. Impossible comme en assurance-vie d’effectuer des arbitrages. On ne connaît ainsi le rendement final qu’à la dissolution de la tontine. C’est pourquoi il est primordial d’investir dans une société de gestion dont le gestionnaire est solide. En 2013, la tontine du Conservateur a produit un rendement annuel de 5,06% nets de frais (hypothèse d’un souscripteur de 45 ans). Celle de 2008 (c’est-à-dire lancée en 1998) a rendu un rendement de 6,85%. La situation du groupe Le Conservateur nous permet d’avoir confiance en l’avenir.

Pour autant, des investisseurs ayant investi dans une tontine d’un groupe différent ont pu connaître de véritables déconvenues, par un rendement très faible, voire une moins-value! De plus, la société de gestion n’est pas tenue de dévoiler ses investissements, ce placement est peu transparent.

  • La tontine ne concerne pas tous les investisseurs. J’en ai parlé plus haut mais investir dans une tontine à 25 ans serait stupide à mon avis (sauf cas très particulier). Ce placement est réellement rentable pour des investisseurs qui comptent utiliser ce placement à terme comme un complément de revenus à la retraite. Je conseillerais donc de se pencher sur une tontine à partir de ses 45 ans environ, voire un peu plus tard. Le rendement augmente avec son âge de souscription. Attention pour ceux qui souhaiteraient investir à 69,9 ans… Si vous décédez avant la clôture de la tontine, le capital est perdu et sera distribué entre les souscripteurs vivants! Il est désormais possible d’atténuer ce risque en souscrivant une assurance décès: si vous décédez avant la dissolution de la tontine, votre capital accumulé est reversé au(x) bénéficiaire(s) choisi(s). Cette opération fait néanmoins baisser votre rendement à terme.
  • Si vous investissez dans une tontine via une prime périodique, soyez bien certain que vous pourrez continuer à verser vos primes sur le nombre d’années dictées par votre contrat. Un cessation de paiement peut induire une perte sèche du capital déjà versé.

Quels sont les avantages d’une tontine?

  • Le rendement. Eh oui, comme tous les placements disposant d’une part de risque, le rendement de la tontine peut être très intéressant. (On en a parlé plus haut) Il dépend toutefois de votre date d’entrée dans la tontine, de votre âge, et surtout de la société de gestion. Les rendements servis sont très majoritairement de loin supérieurs à ceux des assurances-vie.
  • Du point de vue de la fiscalité, deux avantages : l’intégralité du capital souscrit est déductible de votre assiette d’ISF (puisque le capital n’est pas disponible), les plus-values sont taxées selon la même base que celles d’assurances-vie, 7,5% après abattements plus prélèvements sociaux.
  • Aucune gestion nécessaire, pas d’arbitrages, pas de versements complémentaires (sauf si vous le souhaitez).
  • Peu de frais de gestion. En effet, les frais de gestion d’une tontine sont payés à l’entrée. Si vous investissez en prime périodique, vos premières primes serviront en fait à payer ces frais. Ces frais d’entrée s’élèvent à un peu moins de 20%, ce qui semble énorme mais ils ne sont dûs qu’à l’entrée si bien que les frais représentent en fait moins de 20% sur 20 ans, en simplifiant énormément le calcul, moins de 1% par an.

Quel est le profil des investisseurs ?

La tontine peut être ouverte pour différentes raisons. Pour un intérêt fiscal par exemple, afin de sortir du giron de l’impôt sur la fortune. La tontine peut aussi être un moyen efficace et plus rentable qu’un contrat épargne retraite de capitalisation pour sa retraite. Des schémas plus « originaux » peuvent aussi être envisagés comme un investissement dans une tontine à la naissance de votre enfant pour lui garantir un capital à son entrée dans la vie active ou pour payer ses études.

Des montages plus complexes peuvent être mis en place comme des tontines en cascade afin d’optimiser son paiement de plus-value. Ainsi, plutôt qu’investir tout son capital dans la même tontine, on peut l’investir sur plusieurs années dans différentes tontines afin de bénéficier chaque année de sortie d’un abattement et non pas d’un seul abattement sur la plus-value l’année de sortie.

L’assurance-décès liée à la tontine peut aussi permettre à des parents ou grands-parents de prévoir leur succession via ce contrat. En effet, les bénéficiaires disposeront du même abattement qu’en assurance vie (152 500€) et seule la prime décès sera imposable au delà de cet abattement.

Investir dans une tontine, malin ?

Que dire de plus, la tontine permet un couple rendement-risque particulièrement intéressant. Investir dans une tontine me semble être un moyen très efficace de faire fructifier son patrimoine. Je nuancerais uniquement en revenant sur les points essentiels que j’ai évoqués : la réussite du placement dépend de la qualité de sa gestion, évitez donc les sociétés peu reconnues sur ce secteur et privilégiez des interlocuteurs qui ont fait leurs preuves. Ensuite, n’hésitez pas à faire réaliser un audit patrimonial par un professionnel afin d’être certain que ce placement est adapté à votre situation actuelle mais aussi à votre situation future. Ainsi, jeune trentenaire convaincu par la tontine, je n’irais tout de même pas y placer mes économies pour le moment et lui préfèrerai des placements à plus court horizon et plus liquides. J’y penserai par contre très sérieusement dans une quinzaine d’années !

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