Investir dans les bitcoins, malin ?

16 nov. 2018
PAR NICOLAS PEYCRU

Geek ou non, vous avez probablement entendu parler du Bitcoin, cette monnaie virtuelle qui défraie la chronique en ce moment. Mais ce qu’on veut tous savoir c’est : Est-ce rentable ? Est-ce risqué ? Pour les (nombreux) néophytes, une explication s’impose d’abord!

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A l’origine de Bitcoin (ou « du » bitcoin), il y a un refus de la monnaie étatique. Pensez-y, toute la monnaie actuellement en circulation dans le monde est contrôlée par des États et rendue volontairement rare afin d’entretenir sa valeur intrinsèque. Pour autant, on est bien loin désormais des monnaies indexées sur l’or par exemple, la monnaie est essentiellement virtuelle désormais. C’est donc sur cette tendance que s’est créée Bitcoin, une monnaie virtuelle également, mais décorrélée de tout État, de tout système politique.

 Qu’est ce que le bitcoin ?

Pas de grande originalité sur le nom, « bit » étant une unité de mesure informatique tandis que « coin » signifie pièce de monnaie (en anglais, dois-je le préciser ?). Pour parfaire le vocabulaire autour de cette monnaie, on parlera de « Bitcoin » pour désigner le système de paiement, et d’un ou plusieurs « bitcoin(s) » sans majuscule et avec un article, lorsqu’on parle d’unités de paiement. Si les euros s’écrivent €, les dollars $, les bitcoins eux-aussi ont le droit à leur symbole : ฿ ou Ƀ1. Ils ont été créés en 2009, d’un développeur inconnu dont le pseudo est Natoshi Nakamoto.

Le concept est que l’on peut acheter des bitcoins à leur cours du jour dans sa monnaie courante via un logiciel spécialisé puis utiliser les bitcoins comme moyen de paiement ou les conserver à des fins spéculatives. Toutefois, pour s’en procurer et les utiliser, le système est un tant soit peu plus complexe que cela.

 Comment acheter et échanger des bitcoins ?

Utiliser (et détenir) des bitcoins demande tout d’abord d’installer un des logiciels de transactions de bitcoins (sur ordinateur, smartphone ou tablette). Il faut ensuite obtenir une adresse/un identifiant bitcoin spécifique pour se connecter au réseau bitcoin et télécharger l’ensemble des données de transaction depuis l’origine (on expliquera pourquoi après). A partir de là, les différents utilisateurs peuvent s’échanger des bitcoins (ou des fractions de bitcoins) sur le modèle du peer-to-peer (pair à pair en français), via des plateformes spécialisées telles Mt Gox. Aucune banque n’intervient dans le process donc, qui est basé uniquement sur une communauté d’utilisateurs du système Bitcoin.

Logo Mt Gox

Un échange de bitcoins entre 2 utilisateurs correspond à un « noeud ». Lorsqu’une transaction est effectuée, elle doit être enregistrée dans une sorte de registre des transactions (encore, une fois, on verra pourquoi plus bas), et l’information envoyée à tous les utilisateurs. Procédé complexe appelé le « minage », cette mission donne lieu à une rémunération des « mineurs » grâce à des bitcoins créés pour l’occasion. C’est d’ailleurs la seule création de bitcoins prévue. En effet, cette monnaie est intrinsèquement rare afin d’entretenir sa valeur, le nombre total de bitcoins ne peut dépasser les 21 millions. Si Les monnaies actuelles s’adaptent à la création de richesse, ce n’est pas le cas du système Bitcoin. Les bitcoins sont eux émis de façon régulière, de moins en moins rapidement, jusqu’à atteindre ces 21 millions. (Que les experts me pardonnent cette explication un peu réductrice.)

 Le système Bitcoin est-il sûr?

Le bitcoin n’est pas la première monnaie virtuelle qui ait vu le jour, elle est toutefois la première qui soit économiquement viable. Alors quelle est sa principale différence avec les autres monnaies? Eh bien c’est que Natoshi Nakamoto a trouvé la solution au problème de « double dépense ». Le risque en effet avec une monnaie virtuelle est que la même somme soit dépensée 2 fois par le même détenteur et qu’une partie de la monnaie soit donc créée de manière illégitime. Impossible ici, c’est le principal rôle des « mineurs », mettre à jour le registre des transactions. Si bien que chaque bitcoin échangé garde trace de tous les échanges précédents. Ceci s’appelle la chaîne de blocs, dont la pertinence est actualisée toutes les 10 minutes. En lui-même, le système est donc viable, et en phase de développement.

Un risque majeur dans l’investissement en bitcoin reste sa volatilité. D’une part parce que ces valeurs sont relativement nouvelles et donc le marché peu profond, d’autre part parce qu’elles vivent une course à la spéculation. Ainsi, la crise de l’euro a provoqué une embardée sur le bitcoin et le prix d’un bitcoin a frôlé les 1000€ en décembre 2013, pour redescendre à 100€ en février 2013 après des problèmes de la plateforme MT Gox, pour revenir à 300€ mi-avril 2014.

Cours du Bitcoin


 

Sur le long terme, la croissance est plutôt inflationniste tout en étant maitrisée. A mesure que le plafond des 21 millions approchera, la monnaie devrait basculer vers la déflation. Il y a pour le moment 12 millions de bitcoins en circulation.

Toutefois, Bitcoin a connu un problème sans précédent en février 2014, provoquant la fermeture momentanée de la plus grande plateforme d’échange MT Gox. En effet, la plateforme a subi un piratage massif qui a entraîné la « disparition » de 850 000 bitcoins, soit une perte de près de 350 millions d’euros au cours du bitcoin du 7 février (date de l’attaque). A ce jour, les auteurs du piratage (ou les faudeurs internes) n’ont pas été démasqués. Moins d’un mois plus tard, c’est la société Flexcoin qui a été piratée de la même façon mais à moindre échelle puisque le piratage concerne ici moins de 1000 bitcoins.

Les critiques actuelles de Bitcoin reposent aussi sur la capacité des ordinateurs à terme de faire jouer les algorithmes nécessaires à l’éradication de la double dépense. Les nœuds se complexifient à mesure que le nombre de transactions augmente. Critique prise en charge par Bitcoin qui envisage la création de « super-noeuds » pour permettre à ce système de minage de continuer de la même façon avec la même sécurité.

Enfin, créer une adresse Bitcoin ne nécessite pas de données personnelles, les transactions ne sont enregistrées qu’avec cet identifiant. Les transactions sont donc anonymes et intraçables (ou presque) pour peu que l’adresse Bitcoin soit changée à chaque fois. Les transactions, une fois confirmées et minées sont donc non-révocables et le système ouvre une porte à l’ « argent sale » ce qui lui est vivement reproché. C’est ce point particulier qui a incité divers pays tels la Thailande ou encore la Russie à interdire cette monnaie à leurs ressortissants. Ces deux pays qualifient également Bitcoin d’une pyramide de Ponzi et donc d’un système voué à l’échec. Les Etats-Unis ou l’Allemagne tendent à être moins regardants. La seule incertitude quant à Bitcoin concerne la fiscalité qu’on devrait apposer aux plus-values perçues grâce à lui, débat en cours aux USA.

 Pourquoi acheter des bitcoins?

Bitcoin s’adressera en partie aux idéologistes qui refusent le contrôle de leurs finances par des Banques Centrales. Ceci est anecdotique. L’un des points positifs de Bitcoin en tant que monnaie « courante » est l’absence ou presque de frais d’intermédiaire. Ainsi, les petites transactions s’effectueront sans aucun frais. Pour les plus grosses transactions, il est conseillé de prévoir quelques frais afin de sécuriser plus rapidement l’échange. Un peu de frais accélérera le rythme des confirmations des mineurs et rendra la transaction irréversible en moins de temps.

Les bitcoins peuvent être utilisés entre intermédiaires, et la liste de professionnels acceptant les bitcoins en rémunération tend à s’allonger. On peut compter WordPress (la plateforme de de création de sites), et divers sites de vente en ligne de petite et moyenne taille. A noter toutefois, la liste est pour le moment relativement courte, si un agent immobilier australien vient d’accepter le paiement de propriétés immobilières en bitcoins, cela est loin d’être la règle et ce type de paiement est actuellement confidentiel.

La véritable raison d’investir dans le bitcoin est la spéculation. A titre de diversification dans un portefeuille moins risqué, le bitcoin peut apporter cette part de performance.

Investir dans les bitcoins, malin ou pas?

Eh bien, à dire vrai, début février j’aurais probablement répondu pourquoi pas, en faible quantité, sur de l’argent non nécessaire dans l’immédiat, pour tenter d’attraper une part du gâteau.

Après les piratages successifs, je tendrais à être moins ouvert. La volatilité des cours n’a jamais été aussi forte qu’après ces évènements et les bitcoins perdus lors des piratages par les utilisateurs le sont définitivement.

Enfin, l’utilisation de Bitcoin comme une monnaie courante et pas uniquement comme un actif de spéculation me semble pour le moment impossible au vu de la rareté des entreprises acceptant ce type de paiement. Tant que la liste des intermédiaires acceptant un paiement en bitcoins sera si courte, la liquidité des bitcoins et leur pertinence seront faibles.

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