Assurance vie : les rachats un jour interdits ?

13 févr. 2019
PAR NICOLAS PEYCRU

Si l’assurance vie est devenue le « placement préféré des Français », c’est notamment pour la grande liberté qu’elle offre. Les épargnants peuvent souscrire autant de contrats qu’ils veulent, ils peuvent verser des cotisations quand ils le souhaitent et du montant de leur choix, l’encours n‘est pas plafonné et il est possible d’effectuer des rachats à tout moment. Or, ce dernier point pourrait justement être remis en cause.

L’article 21 bis du projet de loi relatif à « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique » dit « Sapin 2 », actuellement examiné en seconde lecture à l’Assemblée nationale, instaure une possible interdiction des retraits en cas de crise financière. Plus précisément, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) pourra « suspendre, retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat. »

Cette décision sera valable trois mois, une durée renouvelable si besoin. Un amendement, présenté par le rapporteur du texte, le député (PS) de l’Essonne Romain Colas, et adopté le 20 septembre en commission des Finances, a limité l’intervention du HCSF aux situations de « menace grave et caractérisée pour la situation financière […] ou pour la stabilité du système financier. » La mesure confiscatoire vise à éviter que les épargnants ne vident leur assurance vie en cas de crise financière majeure et ne fragilisent ainsi encore un peu plus les banques, les assureurs, les mutuelles et les institutions de prévoyance qui distribuent ce type de contrat.

Si ce but est louable, il restreint potentiellement la liberté des assurés et, par là même, l’un des atouts de l’assurance vie. Mais le projet de loi Sapin 2 n’est décidément pas tendre avec ce placement roi. Outre la suspension possible des rachats, des arbitrages et des avances, le texte donne la possibilité aux assureurs vie de moduler leur rendement en cas de hausse des taux d’intérêt. Là aussi, l’objectif est d’écarter le risque que les épargnants effectuent des retraits en masse pour percevoir leur plus-value. Les acteurs de l’assurance vie vont pouvoir mettre en réserve 15% de leurs bénéfices financiers et ils disposeront de huit ans pour redistribuer les gains à leurs clients. Ce « lissage » potentiel de la rémunération des contrats ne concourt pas, là non plus, à leur attractivité.

Le gouvernement n’est pas le seul à rendre moins « sexy » l’assurance vie. Les compagnies Generali et Spirica (filiale du Crédit agricole) ont, selon le site cBanque.com, modifié les conditions générales de leurs contrats. Désormais, le rendement annuel de leur fonds en euros ne sera plus exprimé net, mais brut de frais de gestion. De quoi réduire sensiblement la performance de ce support sachant que le taux des frais de gestion s’élève en moyenne à 1% par an. Pire : si le rendement tombe un jour à 1%, la rémunération nette sera de… 0%. Voire négative en prenant en compte les prélèvements sociaux (CSG, CRDS…) à 15,5% et les tranches marginales d’imposition. Déjà, le cabinet Fact & Figures prévoit un rendement moyen des fonds euros de seulement 2% pour 2016. L’assurance vie, bientôt le placement boudé par les Français ?

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