Assurance emprunteur : les contrats individuels toujours minoritaires

14 nov. 2018
PAR NICOLAS PEYCRU

La greffe ne prend visiblement pas. Selon les dernières données de la Fédération française de l’assurance (FFA), seulement 12% des assurances emprunteur, ces garanties permettant de prendre en charge les mensualités de remboursement d’un crédit en cas de décès, d’invalidité, d’arrêt de travail ou de perte d’emploi, sont des contrats individuels proposés par des assureurs. Les 88% restants demeurent aux mains des banques via leur contrat de groupe « maison ».

Cette très large domination des banquiers est d’autant plus à déplorer que les contrats individuels peuvent s’avérer, dans certains cas, nettement moins cher que les contrats collectifs. Les seconds, qui s’appuient sur le principe de la « mutualisation des risques », proposent la même prime que l’emprunteur soit jeune, vieux, malade ou en pleine forme. Les premiers prennent, eux, en compte les paramètres individuels de l’assuré. Si, par exemple, celui-ci a moins de 40 ans, ne fume pas et n’a jamais eu de gros pépin de santé, ses cotisations seront à coup sûr moins élevées que s’il adhérait à un contrat de groupe.

L’économie réalisée n’a rien de négligeable. Compte tenu de la baisse des taux d’intérêt, l’assurance de prêt peut représenter de 20% à 30% du coût d’un crédit ! C’est d’ailleurs pour redonner du pouvoir d’achat aux emprunteurs que Christine Lagarde, alors ministre de l’Economie, avait instauré, via sa loi du 1er juillet 2010, la « délégation d’assurance ». Grâce à ce mécanisme, les banques ne peuvent plus refuser la couverture d’un établissement tiers pour garantir un emprunt qu’elles financent.

Des mesures contre les abus…

La loi Lagarde a toutefois prévu un garde-fou : la délégation est possible uniquement si le nouveau contrat propose au minimum les mêmes niveaux de garanties que le premier contrat. Une brèche dans laquelle les banques n’ont pas tardé à s’engouffrer. Certaines n’ont ainsi pas hésité à couvrir les amateurs de parachutisme ou de plongée sous-marine. Elles avaient beau jeu alors de refuser la délégation au motif que la nouvelle assurance excluait la pratique de ces sports extrêmes…

Les abus ont été tels que le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a dû se résoudre à déterminer 18 garanties en matière de décès, d’invalidité et d’arrêt de travail et 8 en matière de perte d’emploi. Les banques doivent en choisir 11 dans la première catégorie et 4 dans la seconde. Depuis le 1er mai 2015, elles doivent motiver leur refus de délégation d’assurance en s’appuyant sur les critères qu’elles ont retenus.

Mieux : les établissements prêteurs doivent communiquer à leur clients, depuis le 1er janvier 2016, une fiche standardisée d’information (FSI), mentionnant leurs exigences de garantie. Ainsi, l’emprunteur peut savoir, en amont, si la couverture individuelle proposée par un assureur est compatible ou non avec les critères de son banquier. Et il a désormais le temps de faire le tour du marché. La loi Consommation du 17 mars 2014 (ou « loi Hamon ») permet de résilier une assurance emprunteur collective dans les 12 mois suivants la signature du crédit. Cette résiliation « intra-annuelle » est toutefois limitée aux prêts souscrits à compter du 26 juillet 2014.

…Pour des résultats en trompe l’oeil

Bref, on le voit, tout un arsenal juridique et réglementaire a été mis en place pour favoriser l’essor de la délégation d’assurance. A première vue avec succès puisque les cotisations des assurances emprunteur individuelles sont passées de 926 millions d’euros en 2011 à 1,02 milliard d’euros en 2015, d’après la FFA. En réalité, cette hausse est en trompe l’œil. Les contrats individuels profitent du dynamisme du crédit immobilier. En volume, le pourcentage de 12% de contrats individuels n’a pas bougé d’un iota depuis 2011, date d’entrée en vigueur de la loi Lagarde.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce surplace. Toutes les banques ne joueraient pas le jeu. Certaines ne communiqueraient pas la FSI à leurs clients. D’autres conditionneraient l’octroi d’un taux d’intérêt bas à la souscription de leur assurance emprunteur « maison ». Enfin, les particuliers utiliseraient peu la délégation d’assurance par ignorance du dispositif. Une autre cause pourrait jouer : compte tenu des prix immobiliers élevés, les emprunteurs sont de plus en plus âgés. Or, passé la quarantaine, l’assurance de prêt collective s’avère souvent plus compétitive que le contrat individuel.

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